Dans la vie, je sais qu'il ne faut rien prendre pour acquis. Qu'on le veille ou non, certains aspects sont si naturels dans notre vie, tellement présents, prévisibles, que ceux-là, on se permet de les prendre pour acquis. Il le faut bien, sinon, on deviendrait tous un peu fous. Par exemple, comment pourrions-nous vivre si nous ne prenions pas les épiceries pour acquis? On accumulerait des tas de denrées à la maison en se disant "On ne sait jamais, peut-être que demain (et tout le reste de notre vie) il n'y aura plus de nourriture dans les épiceries.". Vous vous demandez sans doute où je veux en venir et vous avez bien raison.
C'est que depuis hier midi, je ne me sens pas très bien. Je suis extrêmement bouleversée par le drame qu'une ancienne collègue vit actuellement. Je ne me sens pas bien au point que c'est mon corps qui réagit: maux de coeur, fièvre légère, rêves étranges. Quand un drame touche une de nos connaissances, il y a toujours une petite partie de notre cerveau qui nous rappelle que nous ne sommes à l'abri de rien et que tout peut arriver. C'est là que ça me fait capoter. Tout peut arriver. Tout. Peut. Arriver.
Tu peux avoir fait super attention à ton alimentation durant la grossesse. Pas de cigarette, pas d'alcool. Tu peux avoir couché ton bébé sur le dos (si ton enfant est né à partir de 2004... car si c'était en 2000, je crois que tu devais le coucher sur le côté, faudrait vérifier, et si c'était en 1977, je crois qu'on s'en foutait à l'époque!). Tu peux avoir introduit les aliments en respectant religieusement "Le calendrier d'introduction des aliments". Tu peux avoir acheté le siège d'auto le plus sécuritaire du marché. Tu peux avoir toujours conduit prudemment. Tu peux avoir choisi la meilleure garderie pour ton trésor. Tu peux avoir tout fait, tout donné, avoir créé pour ton enfant l'univers le plus chaleureux, le plus sécurisant, le plus stimulant, le plus aimant que tu pouvais... tout peut arriver.
Je pense à mon ancienne collègue.
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Dès que je l'avais rencontrée, elle m'avait plu. À l'époque, j'enseignais dans une classe de 6e année très difficile. Milieu défavorisé, plusieurs cas de DPJ, plusieurs enfants avec des troubles de comportement. Bref, un groupe pas facile. Comme j'étais enceinte de ma 2e, je devais m'absenter régulièrement pour mon suivi de grossesse. Chaque fois que je m'absentais, le lendemain, j'apprenais que ça avait été l'enfer avec la suppléante. Puis, un jour, cette fille est arrivée. Dans son compte-rendu de suppléance, j'ai lu du positif. Elle ne m'écrivait pas qu'elle ne voulait plus jamais revenir dans ma classe, mais elle me parlait plutôt de ce qu'elle avait fait avec les élèves. Puis les élèves sont arrivés en classe et m'ont confirmé que ça s'était bien passé avec cette suppléante. J'en avais donc glissé un mot à la direction de mon école, qui allait finalement prendre la décision d'engager cette fille lorsque mon congé commencerait.
Fin de la parenthèse.
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Je pense à cette ancienne collègue et je me sens mal. J'ai de la difficulté à comprendre la vie. Je sais que tout peut arriver. Je sais qu'il ne faut rien prendre pour acquis, mais là, c'est juste trop.
Avant-hier matin, son enfant allait bien. Un petit garçon de deux ans en parfaite santé. Elle se rend au travail. Le petit est à la garderie. Dans l'après-midi, elle enseigne sans se douter qu'au même moment, son petit ange ne se réveillera pas de sa sieste. Mort subite du nourrisson? Je ne sais pas. Ils ne savent pas. Sa vie venait de basculer. Il y aura dorénavant un "avant" et un "après". Plus rien ne sera jamais pareil.
Et c'est là que ça déraille dans ma tête. Je me mets à sa place. Il me semble qu'il est tout à fait normal de prendre pour acquis qu'après notre journée de travail, nous allons retrouver nos enfants en vie. Comme je l'ai dit en début de billet, il faut prendre ce fait pour acquis, sinon on deviendrait fou. On souffrirait d'anxiété comme c'est pas possible. Comment pourrait-on passer au travers nos journées en se demandant constamment si nous allons revoir nos enfants vivants? Pourtant, tout peut arriver.
Je me dis alors que la seule chose sur laquelle nous avons un peu de contrôle, c'est sur le moment présent. Être là, pour vrai. Lâcher le pilote automatique pour être réellement présente. Savourer chaque moment, aussi petit puisse-t-il paraître (la notion de "petit moment", c'est dans notre tête seulement!). Chaque minute porte en elle la possibilité de faire une différence dans notre vie. Vivre sa vie avec pleine conscience, le plus souvent possible.
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Je vous laisse sur des photos de ma journée. Ma plus jeune a commencé la pré-maternelle et c'était sa première sortie aujourd'hui.
Une balade en autobus, ça c'est chouette!
Au menu: animaux de la ferme et papillons
Un "petit moment", si on le place dans la perspective de toute une vie,
mais aujourd'hui je ne l'ai pas vu ainsi. Aujourd'hui, c'était une
journée très importante, car c'était celle que j'étais
en train de vivre. "Hier" étant déjà passé (on n'a pu grand contrôle sur "hier") et "demain" n'étant pas là (d'ailleurs
"demain" n'existe pas, demandez à Moyenne Fille), j'étais dans le moment présent.
Ce soir, je me couche en remerciant la vie d'avoir pu passer une journée de plus en compagnie de ceux que j'aime. Plus que jamais, je ressens l'importance d'être au bon endroit. L'importance d'être dans notre vie, celle que nous vivons pour nous et non pour les autres. L'importance d'être présente. Ici et maintenant. Car au fond, c'est tout ce qui compte. C'est tout ce que nous avons réellement.