samedi 27 novembre 2010

Mon cousin

Mon cousin a 13 ans de plus que moi, ce qui fait que lorsque j'étais enfant, il était déjà un jeune homme. Petite, avec mes 3 soeurs à la maison, j'évoluais dans un vrai monde de filles. Alors que je jouais aux poupées avec mes soeurs, mon cousin conduisait de gros tracteurs et prenait la relève sur les terres agricoles de ses parents, qui étaient également mon parrain et ma marraine.

L'été, il m'arrivait d'aller passer de petites vacances chez eux. Ce que j'aimais bien, c'était d'aller voir les chatons dans la grange. Parfois, je voyais mon cousin revenir des champs avec son gros tracteur. Je dois l'avouer, mon cousin m'impressionnait et m'intimidait aussi un peu, d'autant plus que j'étais très timide de nature. En fait, je crois que c'était surtout le bruit du moteur et les gigantesques roues du tracteur qui m'intimidaient en réalité.

Je n'ai jamais partagé de jeux avec mon cousin. Je crois même qu'à l'âge où je suis venue au monde, il avait déjà cessé de jouer tout court. C'est très exigeant la vie d'agriculteur. Il travaillait fort mon cousin.

Je n'ai jamais eu non plus de grandes discussions avec mon cousin. Avec le temps, j'ai compris qu'il était probablement tout aussi timide, sinon plus, que moi.

Pourquoi est-ce que je vous parle de lui aujourd'hui? C'est parce que je suis allée le visiter cet après-midi. Il est très malade: il a le cancer des os. En allant le visiter, j'avais peur d'être maladroite, d'être prise par la gêne et de ne pas savoir quoi dire.

Il nous a accueillis avec un sourire incroyable. Il était en pyjama. J'étais contente; je trouve tellement que la jaquette d'hôpital vous enlève le peu de dignité qu'il vous reste.

Il était content de notre visite. En le voyant, j'ai tout de suite su que je n'avais pas besoin de m'inquiéter à savoir quoi dire ou quoi raconter. J'avais simplement à écouter et à offrir ma présence, une vraie présence.

Il nous a dit qu'il revoyait son médecin lundi et que ce dernier évaluerait la situation à savoir s'ils allaient poursuivre les traitements de chimio ou s'ils allaient tout arrêter pour ne donner que les soins de fin de vie.

Mon cousin nous a avoué que si ce n'était que de lui, il n'y aurait pas d'autres traitements de chimio. Voyez-vous, c'est que dans les 3 dernières années, il s'est énormément battu et il est bien conscient que s'il a été capable de passer par tout ce qu'il a passé, c'est parce que son corps était solide. Est-ce que je vous ai dit qu'il était fort mon cousin? Cet après-midi, j'ai encore eu l'occasion de constater l'ampleur de sa force; même devant la mort, il n'a pas peur!

Le problème est que, bien que mon cousin soit fort, son corps, lui, a atteint ses limites. C'est pour cette raison que mon cousin nous a dit qu'il était prêt. Prêt à "traverser de l'autre côté". Pas de frustrations ni d'amertume avec cette déclaration. Seulement une bonne dose de lucidité, d'acceptation et de sérénité.

Je suis vraiment contente d'avoir pu parler avec lui cet après-midi. Je ne sais pas si j'aurai encore l'occasion de le voir vivant, mais c'est comme ça que j'ai envie de me souvenir de lui: souriant, serein et tellement, mais tellement fort, malgré son corps affaibli par le cancer.

Petite, il m'impressionnait parce qu'il savait conduire d'énormes tracteurs jusqu'au bout des champs. Adulte, il m'impressionne parce qu'il se conduit comme un Grand Homme jusqu'au bout de sa vie.

6 commentaires:

  1. Très belle leçon de vie... merci de la partager.

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  2. Ouf! Larmes aux yeux... que c'est touchant. Tu lui fais un bel hommage. Quel courage il a!

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  3. Ouf, ce n'est jamais évident d'être confronté à la mort. Puis crois-moi, si jamais tu le revoyais dans un état précaire, tu te rappellerais quand même de lui tel qu'il a toujours été! Je trouve ça triste d'entendre les gens dire qu'ils ne veulent pas revoir une telle personne parce qu'elle est malade... Si tout le monde enchaîne cette pensées-là, plus personne n'est là pour soutenir le malade qui s'apprête à faire le plus grand saut de sa vie...
    M'enfin, petit opinion de ma part! Sinon, c'était vraiment un beau témoignage, merci beaucoup!

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  4. @Isabelle et Jojo: Merci beaucoup!

    @Anne: Je suis tellement d'accord avec toi! Merci de commenter!

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  5. C'est touchant ce que tu as écrit. Merci de nous partager le courage de ton cousin :-)

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