jeudi 19 août 2010

Rencontre avec la vie

Je n'avais pas encore eu le temps de partager avec vous cette rencontre, mais je tenais absolument à le faire, car elle fut très importante pour moi.

Ça s'est passé il y a quelques semaines, tout juste avant mon mariage. Pour la première fois de ma vie, j'étais allée me faire faire une pédicure et une manucure avec ma "demoiselle d'honneur".
Vers la fin de la séance, nous étions assises à un comptoir et nous avions les mains sous le séchoir. À côté de nous était assise une jeune femme qui, par cette belle journée d'été, avait les bras et les épaules dénudés. À voir sa peau, il était évident qu'elle était une grande brûlée. Elle se faisait faire des dessins sur les ongles par une dame asiatique très minutieuse.

Ma demoiselle d'honneur, en me montrant la talentueuse dame, me dit alors:
" Il faut vraiment avoir une main assurée pour faire ce genre de dessins."

Et moi, de lui répondre:
" En effet! Quand tu commences à avoir le parkinson, ta carrière prend fin."

Puis là, la jeune femme à nos côtés se met à rire et ajoute:
"Moi, je me suis déjà fait faire un tatouage par un gars qui avait le parkinson, mais je m'en suis rendu compte juste après! Anyway, on s'en fout parce qu'il a fondu!"

Voyant qu'elle était à l'aise avec le sujet, nous avons commencé à parler de ce qu'il lui était arrivé. C'est là que j'ai su qu'elle était une survivante, une vraie, une fille qui avait frôlé la mort de très près. C'est arrivé il y a deux ans, elle a été prisonnière de sa maison en flammes. Quand les pompiers l'ont sortie du brasier, elle était inconsciente, gravement brûlée et en arrêt respiratoire. Son coeur, lui, battait encore, mais il n'allait pas pouvoir tenir encore bien longtemps. Or l'ambulance la plus proche était à 20 minutes de là. Le pompier conducteur a décidé qu'ils devaient l'amener à bord de leur camion et la conduire immédiatement à l'hôpital, qui était à 2 minutes du lieu de l'incendie. En posant ce geste, le pompier savait bien qu'il ne respectait pas le protocole et que si la jeune femme décédait dans l'ambulance, il aurait des comptes à rendre, mais il savait également que s'il attendait l'arrivée de l'ambulance, c'est envers lui-même qu'il aurait eu des comptes à rendre. C'était une question de minutes avant que le coeur de la victime cesse de battre. Les pompiers l'ont donc conduite à l'hôpital. Une fois arrivée à l'urgence, elle a eu un arrêt cardiaque. Les médecins l'ont réanimée, mais elle est restée dans le coma pendant 2 mois. Deux longs mois où personne ne pouvait dire si c'était la Vie ou la Mort qui allait l'emporter. Puis, au bout de deux mois, elle s'est réveillée, mais elle n'en a gardé aucun souvenir. Les douleurs étaient tellement insupportables que l'équipe médicale l'a plongé dans un coma provoqué pour un autre mois. Puis, à son réveil, ce fut les greffes de peau et la réadaptation. Respirer de nouveau par elle-même la faisait souffrir et elle n'était pas capable de bouger ses bras. La réadaptation fut difficile, mais au bout d'un an, elle pouvait de nouveau bouger les bras normalement.

Elle m'a dit: "Tu vois le vert que j'ai sur le coude? Et bien, c'était les pattes d'un dragon que j'avais sur la cuisse avant d'avoir la greffe de peau."

Puis, quelques instants plus tard, cette fille qui dégageait un réel bonheur nous a avoué: "Je suis heureuse! Ça remet les priorités à la bonne place une affaire comme celle-là!"

Ma demoiselle d'honneur et moi lui avons dit que nous admirions beaucoup son courage et que certaines personnes, à sa place, auraient peut-être perdu le goût de vivre.
"Pour moi, ce fut le contraire. Je ne pouvais pas perdre le goût de vivre alors qu'ils avaient fait tellement d'efforts pour que je la garde."

Ses ongles étaient terminés. Elle s'est levée et avant de partir, elle nous a dit:
"La prochaine fois que vous aurez un petit bobo, les filles, et que ça vous semblera énorme, vous penserez à moi: je m'appelle Bélinda."

C'est promis Bélinda, je penserai à toi.

Je penserai à toi, Bélinda, et j'aurai dans la tête l'image d'une jeune femme qui respire le bonheur et qui est belle jusqu'aux bouts des ongles.

Une belle femme bien dans sa peau, celle d'une grande brûlée, et qui ne cherche ni à la cacher ni à la camoufler. Une femme en paix avec son passé et avec les marques que ce dernier a laissé sur son corps.

Les jours où ça ira moins bien, où j'aurai moins de patience envers mes filles, où j'aurai touché à mes limites, où je serai épuisée, je penserai à toi, Bélinda, et je me dirai que finalement ma journée n'est pas si mauvaise que ça.

Tu ne le sais peut-être pas, belle Bélinda, mais tu m'as donné toute une leçon de vie dans ce salon de manucure l'autre jour. Merci! Cette journée là, je ne te l'ai pas dit, mais c'était mon anniversaire. Tu as partagé avec moi ce que tu as de plus précieux: ton goût de vivre.

Merci!

8 commentaires:

  1. Ayoye! Super belle rencontre! C'est vrai que ça doit remettre les priorités à la bonne place!! Une vraie belle leçon de vie! Merci de l'avoir partagé avec nous!

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  2. Wow quelle belle rencontre! Et surtout merci à toi de nous la partager... j'en ai encore des frisson. C'est tellement une belle leçon de vie.

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  3. C'est une histoire très touchante que tu nous partages. Un exemple vrai de courage cette Bélinda! Moi de mon côté, lorsque je déprime, je me dis que dans la vie, il y a des choses bien pire et je pense aux gens souffrants physiquement ou psychologiquement. Disons que ça fait oublier les petits «spleen»!

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  4. @À toutes: Merci pour vos commentaires! Ça me confirme que j'ai bien fait de partager cette histoire avec vous sur mon blog! Merci beaucoup de prendre le temps de m'écrire!:)

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  5. Ooooooooooh ! ça m'arrache une petite larme ! Justement, j'en arrache là mentalement ces temps-ci... mais ce n'est qu'un petit bobo tellement passager. Merci Bélinda... je penserai à toi !

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  6. C'est toute une histoire et rencontre. Elle nous fait réaliser bien des choses !

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  7. @ La Belle: Oui, ce fut toute une prise de conscience!

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  8. Wow. C'est le type de rencontre qui nous marque pour toujours.. Chanceuse! Et j'en garde une belle leçon. Merci de l'avoir partagé!

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